Intérim et allocations chômage: moratoire salvateur pour les frontaliers !

Je remonte le sujet car beaucoup de choses imprécises ont été dites et je pense qu’une clarification est bienvenue.

Jusqu’au 31 mars 2012, la règle en cas de travail des deux côtés de la frontière était l’application du droit social de l’Etat de résidence. Cette règle n’a pas été appliquée pendant plus de dix ans par les personnes concernées (qui payaient à tort leurs cotisations en Suisse) et l’URSSAF n’avait pas les moyens de le découvrir. La nouvelle règle issue des nouvelles lois européennes entrée en vigueur au 1er avril 2012 pour la Suisse est plus favorable au frontalier. Elle prévoit en particulier que le droit social de l’Etat de l’employeur s’applique. Ce n’est toutefois vrai que si moins de 25% de l’activité est exercée sur le territoire de l’Etat de résidence. Si plus de 25% de l’activité est exercée sur le territoire de l’État de résidence, c’est le droit de cet État qui s’applique. La Commission européenne avait toutefois soutenu l’application de droit social de l’Etat du dernier emploi pour les chômeurs mais cette proposition a été refusée par les États nationaux (voir CJUE, C-443/11, Jeltes, Peeters et Arnold, du 11 avril 2013, paragraphe n.34).

La Règle (article 13 R. 883/2004) https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20112875/index.html#id-3:

Art. 13 Exercice d’activités dans deux ou plusieurs Etats membres

1. La personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise:

a) à la législation de l’Etat membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle {règle des 25%, cf article 14/8 Règlement d’application 987/2009} de son activité dans cet Etat membre; ou

b) si elle n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’Etat membre de résidence:

i) à la législation de l’Etat membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation, si cette personne est salariée par une entreprise ou un employeur,

ii) à la législation de l’Etat membre dans lequel les entreprises ou les employeurs ont leur siège social ou leur siège d’exploitation si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs qui n’ont leur siège social ou leur siège d’exploitation que dans un seul Etat membre, ou

iii) à la législation de l’Etat membre autre que l’Etat membre de résidence, dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation, si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs qui ont leur siège social ou leur siège d’exploitation dans deux Etats membres dont un est l’Etat membre de résidence, ou

iv) à la législation de l’Etat membre de résidence si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs, dont deux au moins ont leur siège social ou leur siège d’exploitation dans différents Etats membres autres que l’Etat membre de résidence.

2. {…}

3. La personne qui exerce normalement une activité salariée et une activité non salariée dans différents Etats membres est soumise à la législation de l’Etat membre dans lequel elle exerce une activité salariée ou, si elle exerce une telle activité dans deux ou plusieurs Etats membres, à la législation déterminée conformément au par. 1.

La situation juridique en elle-même est donc relativement claire et a toujours été claire, c’est juste que, intentionnellement ou non, beaucoup d’employeurs et d’employés frontaliers ne payaient pas leur dû à l’URSSAF. La situation a changé du fait de la fin du privilège consistant à pouvoir choisir une assurance-privée pour ceux qui optaient pour l’assurance-maladie française selon l’Annexe XI, Suisse, paragraphe 3 lettre b du Règlement 883/2004. Ce privilège, qui favorisait nettement les frontaliers français en comparaison avec les résidents suisses (LaMal) ou français travaillant en France, avait été offert en 2002 pour sept ans, prolongé cinq ans (jusqu’au 31 mai 2014). Le nouveau pouvoir sorti des urnes en 2012 en France n’a pas souhaité prolonger ce privilège pour les frontaliers franco-suisses ce qui fait que l’URSSAF a mis la main sur les données permettant de découvrir les employeurs qui payaient à tort les contributions sociales en Suisse depuis plus de dix ans.

La règle des 25% est relativement stricte (cela aurait pu être 50%) mais au final relativement juste. Ceux qui travaillent substantiellement et habitent sur le sol français doivent cotiser aux assurances françaises. Ceux qui ne sont pas contents peuvent déménager en Suisse, Allemagne ou ailleurs en Europe. Le problème n’est en effet pas la règle européenne mais le niveau très élevé des charges sociales pour l’employeur en France (alors que pour les résidents suisses, c’est l’employé qui casque sur son salaire brut, avec notamment des primes d’assurance-maladie délirantes pour les petits salaires). C’est un problème auquel font face tous ceux qui emploient des résidents français et qui sont employés en France et pas seulement les frontaliers qui sont déjà privilégiés par la possibilité de travailler 24% du temps en France sans problème (mais seulement depuis le 1er avril 2012).

Moi je vois un problème opérationnel insoluble : qui va se faire embaucher en Suisse si son patron Suisse doit traiter avec l’URSAAF de Strasbourg et sortir une fiche de paye « à la française ».

Que l’employé en pluri-activité assume des charges très importantes à la limite c’est son problème et celui de la France, mais qu’en tant qu’employeur je doive me frapper une telle charge administrative, no way.
D’un simple point de vue opérationnel je vois pas quel employeur serait capable d’assumer ça.

Tous les employeurs situés en France l’assument. Du petit café du coin de la rue à la société générale. Ceux qui veulent faire du fric sur territoire français paient les charges sociales décidées par les représentants du peuple français, souveraineté française oblige. Après si ces charges sont très élevées et qu’elles poussent les employés à ne plus travailler en France plus de 24% de leur temps ou les entreprises à déménager en Allemagne, c’est un problème que les politiques français doivent assumer.

Si les charges sociales françaises étaient très basses, les employeurs situés en Suisse feraient des pieds et des mains pour que leurs employés travaillent en France minimum 25% du temps pour obtenir l’effet inverse et seraient tout contents de payer leurs contributions à l’URSSAF. Ce n’est pas un problème de coordination, c’est un problème de concurrence entre système sociaux européens.

Ceux qui veulent éviter de voir leur patron s’évanouir en recevant un courrier de l’URSSAF doivent simplement cesser de travailler sur sol français sauf marginalement ou alors déménager dans le pays de l’emploi principal, ici la Suisse avec les hausses des frais mensuels fixes (loyer avec bailleur tout puissant qui vous impose un bail à durée déterminée pour vous empêcher de vous plaindre, LaMal à 450 CHF/mois + franchise + quote-part de 10%, plus d’allocation différencielle en matière familiale, places de crèches à 1500CHF etc…) que cela implique.

Comprenons nous bien, la quasi-totalité des frontaliers en pluri-activité le sont de leur fait, pas de celui de leur employeur qui les enverrait travailler sur le sol français.

Ce sont des intérimaires qui cumulent des jobs de chaque coté de la frontière, des médecins qui commencent une activité en Suise mais qui gardent leur cabinet en France, des profs de musique installés près de la frontirère et qui travaillent pour des écoles CH et FR, etc…

Je ne vois pas en quoi l’employeur suisse aurait à assumer cela.
Donc je ne vois pas comment un frontalier dans une telle situation pourrait être embauché en connaissance de cause.

Edit : ok j’ai vu votre ajout entre temps, on se comprend.

Pour les travailleurs en Suisse qui tombent au chômage partiel ou intermittent, c’est l’article 65/1 RCSS qui s’applique. C’est la Suisse qui est compétente. Attention, le cas de la personne qui tombe au chômage total en France et qui retrouve un emploi en Suisse est différent. Si elle touche du fric français qui sort de pôle emploi, elle est soumise au droit social français (accord de 2006 notamment). Donc il faut se désinscrire à temps.

Art. 65 Chômeurs qui résidaient dans un Etat membre autre que l’Etat compétent

1. La personne en chômage partiel ou intermittent qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un Etat membre autre que l’Etat membre compétent {selon les articles 11 et suivants ndlr., en principe l’Etat d’emploi} se met à la disposition de son employeur ou des services de l’emploi de l’Etat membre compétent. Elle bénéficie des prestations selon la législation de l’Etat membre compétent, comme si elle résidait dans cet Etat membre. Ces prestations sont servies par l’institution de l’Etat membre compétent.

Je conseille aussi la lecture de la décision U3 de la Commission administrative (organe européen compétent selon les article 71 et 72 Règlement 883/2004: http://www.cleiss.fr/reglements/cacsss/Dec_U3fr.pdf).

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Bonjour,
Après avoir contacté la CPAM, le CNTFS, et nos représentant juridiques frontaliers / via ma mutuelle La Frontalière, en vain, j’espère trouver ici des spécialistes.
Je sais qu’un moratoire, dont le texte reste inconnu en ligne, est intervenu en mai 2016 pour sursoir en partie à une situation transfrontalière de non-sens. Elle s’adresse aux situations de pluriactivité résultant du cumul de statut demandeur d’emploi et frontalier et n’oblige plus, fort heureusement, les employeurs suisses à cotiser auprès de l’Urssaf. Aussi, la CPAM et la juriste m’expliquent l’obligation du demandeur d’emploi, depuis ce moratoire, de cotiser au CNTFS pour son activité en Suisse. Jusque-là c’est logique, mais l’on voit la faible responsabilité sur les conséquences personnelles des frontaliers, en l’absence d’information claire à ce publique.
Par contre, en cas de multiples activités intérimaires suisses qui s’alternent avec un statut de demandeur d’emploi, comment la CPAM calcule t’elle la période d’affiliation ???
En effet, l’intérimaire garde son statut de demandeur d’emploi, du fait même de la précarité des missions, avec une ARE à chaque fois diminuée en fonction des revenus de l’activité du mois, ce qui est logique.
Mais, parfois la société d’intérim regroupe plusieurs missions dans un même contrat, par commodité ou autre raison obscure : ainsi par exemple, l’intérimaire accepte successivement 3 missions de 1/2 jour, ce qui totalise seulement 1jour ½ d’activité rémunérée sur 1 mois, puis reçoit à posteriori un contrat de 1 mois qu’il signe par mégarde, sans faire attention à la durée ou sans voir le problème (!!)
Le contrat comme tel reprenant la date de début de la première des 3 missions et portant une durée d’1 mois serait apparenté CDD d’1 mois, d’après mes récentes recherches.
Comment la CPAM interprète la durée d’affiliation alors qu’il s’agissait au départ que d’intérim ponctuel (contrat moral lors des propositions de missions par téléphone ou sms) ??
Si elle retient 1 mois, cela est parfaitement injuste :

  • car le CNTFS va appliquer sa formule connue des 8%(…) sur les revenus de l’'année N-2 (lesquels peuvent correspondre à un salaire fixe avant licenciement, donc salaire beaucoup + élevé).
    Donc pour 1,5 jours de travail sur le mois, la cotisation mensuelle calculée par le CNTFS peut atteindre plus de la moitié du salaire mensuel actuel !!
    Autant rester au chômage, si on est de bonne foi, mais pas con non plus !!
  • car en vérité, ce ne sont que des missions d’intérim et non 1 CDD où l’employeur s’engage sur un salaire mensuel.
    De plus ce contrat d’intérim sur 1 mois intervenant à posteriori, mais antidaté, est-il légal ?
    Ainsi l’intérimaire honore chaque mission (souvent urgente) sur proposition orale, sans avoir connaissance de la durée contractuelle inscrite dans le contrat envoyé ensuite. (Soit durée / mission, soit regroupement sur 1 mois). Est-ce légal ?
    Merci d’avance

Bonjour,

C’est un document que je ne connaissait pas encore, mais il ne s’applique à ma situation : les situations de pluriactivité avec chômage Français ne sont pas assimilées aux autres et donc ne sont pas concernées par ce document : depuis le fameux moratoire 2016, l’employeur cotise dans son pays mais pas à l’URSSAF.

Par contre, en cas d’alternance intérim suisse et intérim français, cela est plus problématique. Il faut être conscient que si l’on travaille 25% ou plus en France et 75% en Suisse, c’est l’employeur SUISSE qui va être ravi de payer des cotisations Urssaf.:dizzy_face::nauseated_face:
Depuis 2013, j’ai des exemples d’employeurs suisses, qui tout en ne vous proposant qu’un faible pourcentage de travail ( CDD, CDI, intérim…), vous font signer une attestation de non cumul ou limité à ce 25%, à défaut de s’engager à rembourser l’Urssaf à l’employeur considéré comme une dette. :grinning:
J’interprète comme tel :
Ex de pluriactivité Suisse/France avec assurance maladie en France
Ex 1 : salaire suisse 1500€ et salaire Français 500€ : là, pas de problème pour employeur, et le frontalier est taxé pour la CMU sur son revenus N-2.
Ex 2 : salaire suisse 1500€ et salaire Français 550€ : là, problème, car l’employeur suisse devra payer l’Urssaf.
Comment se calcule la part Urssaf de l’employeur suisse ?
J’ai aussi cru comprendre que le frontalier devrait payer la CMU sur revenus N-2, aussi ?

NON, vraiment, le frontalier a perdu gros avec la fin des caisses privées en 2015…
Le résultat souvent est le licenciement personnel voire l’ostracisme suisse :wind_face:qui se généralise envers le frontalier…